“Je produis, Horti Flandre vend et le transporteur achemine”
Pascal Flament dirige les Serres de la bleue, à Prémesques (59). Lors de son installation, il n'a pas hésité à adhérer à la coopérative Horti Flandre, un moyen pour lui de se consacrer à ce qu'il aime faire : produire.
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Pascal Flament dirige aujourd'hui avec son beau-frère Yannick Pétrins les Serres de la bleue, situées à Prémesques (59). Lorsqu'il a souhaité s'installer en 1997, sa banque lui a conseillé d'adhérer à la coopérative Horti Flandre. Pour l'établissement bancaire, cette adhésion était une question de « sécurité ». Salarié dans l'entreprise de ses beaux-parents, horticulteurs-fleuristes, il connaissait la coopérative. Son choix n'a pas été difficile : il a adhéré, et racheté le matériel de production et la serre en verre de ses beaux-parents pour environ 160 000 euros.
Horti Flandre est une structure de vente. Elle permet à Pascal Flament de se décharger de toutes les démarches commerciales, logistiques et marketing, et de ne se consacrer qu'à sa production. « Pour adhérer chez Horti Flandre, il faut aimer produire avant toute chose, pas commercialiser », précise Christophe Lemaire, directeur de la coopérative située à Lomme (59). La structure retient 25 % sur le prix de vente pour ses frais de fonctionnement. Ainsi, le chiffre d'affaires de 450 000 euros de l'horticulteur correspond à ses ventes, retenue déduite.
Pascal Flament profite d'un autre avantage de la coopérative, « non des moindres par les temps qui courent » : la garantie de paiement. Il est assuré d'être payé par la structure une à trois semaines après la livraison ; la coopérative est elle-même payée plus tard. Avec Horti Flandre, il bénéficie d'un large référencement auprès des centrales, inaccessible en étant seul. « La coopérative me permet aussi de travailler toute l'année, même en été et en hiver », ajoute le producteur. « Un indépendant, à moins qu'il soit producteur et négociant pour compléter son offre, parvient difficilement à faire des chariots complets en basse saison pour faire bénéficier sa clientèle du franco de port. Je peux ne fournir qu'un seul étage de plantes pour un client, le reste de la commande sera complété avec les produits d'autres adhérents. »
Horti Flandre n'a pas pour mission de massifier les approvisionnements. Toutefois, des commissions sont chargées de regrouper les commandes des adhérents : un producteur s'occupe des achats des pots, un autre du terreau... Du coup, le producteur bénéficie de prix plus intéressants que s'il commandait ses intrants individuellement. Toutes les fournitures sont livrées sur la coopérative. « Par ailleurs, la coopérative centralise et gère tous les chariots et rolls CC. »
La « délégation » totale de la commercialisation n'est pas sans contrepartie. « L'adhérent produit en aveugle : il doit se fier aux commerciaux », souligne Christophe Lemaire. « Il faut veiller à ne pas être déconnecté du commerce », avertit Pascal Flament. Pour ce faire, il est demandé à l'ensemble des adhérents de se déplacer deux fois par an en clientèle – dans les jardineries – pour se confronter aux exigences des chefs de rayon.
« La délégation, ce n'est pas une non-implication ; il faut être réactif et offrir une qualité de production », explique Pascal Flament. Ce dernier peut difficilement être plus impliqué dans la vie de la coopérative : outre les quatre réunions annuelles de debriefing auxquelles il doit assister en tant qu'adhérent, il anime une réunion de direction par semaine, et six à huit conseils d'administration par an en tant que président de la coopérative depuis 2010 et trésorier depuis 2001.
Pascal Flament veille également à rester en contact avec les vendeurs de la coopérative. Objectif : leur rappeler les priorités de vente liées au stade de fleurissement de sa production. En saison, un responsable approvisionnement visite toutes les semaines les producteurs et rend compte aux vendeurs de l'avancement des productions, mais cela ne suffit pas : « Le client des adhérents, c'est la coopérative : ils doivent communiquer, être en relation permanente avec les vendeurs », confirme Christophe Lemaire. « Le risque principal pour un adhérent est lié au fait de ne pas être au contact direct des clients pour suivre en temps réel l'évolution du marché. Quand les producteurs livrent le soir, ils doivent présenter un échantillon de leur production aux commerciaux. Loin des yeux, loin du coeur... »
Être adhérent a permis à Pascal Flament de se spécialiser dans quelques produits, car c'est au niveau de la coopérative que se crée la gamme. « Je peux proposer une qualité de production en me concentrant sur des plantes qui nécessitent le même arrosage, le même engrais... » L'adhérent doit accepter de suivre les instructions de la coopérative, qui oriente la production selon la demande des clients. « À la fin de chaque saison, un debriefing avec les vendeurs et le service approvisionnement nous permet de revenir sur ce qui a été ou pas », explique Pascal Flament. « Le producteur donne ses emblavements, c'est-à-dire ce qu'il souhaite produire et en quelles quantités. La coopérative synthétise les demandes de chacun et en vérifie la cohérence. Les mises en production sont ajustées au cours de rendez-vous individuels avec le responsable des approvisionnements. » Un ajustement peut consister à échelonner dans le temps deux cultures lorsque deux adhérents souhaitent produire la même espèce.
La coopérative offre un encadrement commercial, mais aussi technique. Un technicien aide Pascal Flament dans le suivi de production. Un ingénieur agronome passe tous les quinze jours pour réaliser des analyses de conductivité, de pH... Le service est gratuit les deux-trois premières années, puis coûte 80 euros par visite (variable selon la surface de l'exploitation). « Cela évite de rater une culture », apprécie l'horticulteur. L'encadrement est renforcé pour un jeune producteur : considéré comme « adhérent stagiaire » pendant un an, celui-ci bénéficie des mêmes conditions que s'il était déjà adhérent. À la fin de cette période d'essai, un bilan est fait avec la coopérative, et chaque partie donne son avis sur une possible adhésion. Le jeune adhérent est souvent parrainé par un producteur actif. « Il est un peu “exécutant” au début », observe Christophe Lemaire. « La coopérative l'oriente sur une culture simple, précise les coûts auxquels il devra faire face, quelle sera sa marge... Par la suite, l'adhérent peut apporter sa touche personnelle et réaliser des essais de variétés, de contenants... que la coopérative valide ou non. » Le feu vert d'Horti Flandre est en effet indispensable, du fait de sa clientèle, composée de centrales de jardineries. La coopérative doit pouvoir soumettre tout nouveau produit en référencement en jardinerie.
Lors de son adhésion, Pascal Flament a payé un droit d'entrée de 1 500 euros ; il s'est engagé sur trois ans à commercialiser 100 % de sa production chez Horti Flandre. La coopérative prélève une part variable en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise pour la constitution de son capital social. Le versement s'effectue sur plusieurs années. Ainsi, avec un chiffre d'affaires de 450 000 euros, Pascal Flament a dû verser 10 000 euros répartis sur trois ans. « S'il augmente, il y a un rappel du capital », précise Christophe Lemaire. Le capital versé sera restitué à Pascal Flament (sans valorisation) lors de son départ en retraite, ou en cas de départ « anticipé » ou de liquidation. « Si un gros producteur décidait de partir, la coopérative aurait la possibilité de conserver quelque temps son capital pour éviter une déstabilisation trop importante. »
Pascal Flament a pu adhérer à Horti Flandre parce que son entreprise est installée à proximité de la coopérative, dans les environs de Lille. La structure fait une exception pour quelques adhérents dunkerquois, qui mutualisent et se chargent du transport en alternance. Christophe Lemaire énumère les autres conditions pour être adhérent : avoir une surface minimale de 6 000 m2 environ et proposer des produits de qualité. « Nous avons refusé des demandes dont l'objectif était purement financier, sans offre de qualité ; la coopérative, ce n'est pas une solution de dernier recours », précise son président.
« Moi, je produis, Horti Flandre vend et le transporteur achemine », résume Pascal Flament. Si la coopérative s'avère la solution adéquate pour l'horticulteur, elle ne répond pas aux besoins de toutes les entreprises. « Il y a trois types de producteurs : les très gros, qui intéressent la distribution en direct, les plus petits (surfaces de 6 000 à 15 000 m2), qui vendent au détail, et les moyens, qui ont intérêt à adhérer à un groupe pour, ensemble, offrir une large gamme », schématise Christophe Lemaire. « Les adhérents n'ont pas forcément l'envie d'accroître indéfiniment la taille de leur exploitation ; ils ont surtout la volonté de travailler sereinement et de faire vivre leur famille. »
Valérie Vidril
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